小巫见大巫 xiǎowū jiàn dàwū est une belle expression qui veut dire littéralement « le petit sorcier voit le grand sorcier ». En d’autres termes, le locuteur veut dire qu’il n’est rien en comparaison de l’autre. Ici, dans cette séquence d’un film, le chef de gang Wu prétend devant le policier qu’il est un petit par rapport à un autre mafieux qui a de plus grands crimes à son actif.
Instrument – Chamane 巫
Ce proverbe chinois permet de regarder de près un caractère utilisé très tôt dans les textes Shang. En effet, la graphie de 巫 désignait un instrument utilisé par un chamane – d’où le premier sens de chamane ou sorcier :
Divinité
Sur les écritures osscailles, il peut également désigner des divinités.
Évolution du caractère
L’écriture subit quelques modifications sous les Royaumes Combattants, qui la rapprochèrent du caractères moderne :
Chinois classique. Cette histoire, d’un homme qui a perdu son épée, est restée dans la mémoire populaire pour devenir un proverbe.
刻舟求剑 kèzhōuqiújiàn Faire une entaille dans le bateau et chercher l’épée 刻 :graver 舟 : bateau, on emploi 船 en chinois moderne 求 : chercher 剑 : épée
楚人有涉江者, 其剑自舟中坠於水 chǔ rén yǒu shè jiāng zhě, qí jiàn zì zhōu zhōng zhuì yú shuǐ Au pays de Chu, il y avait un homme qui fit tomber son épée du bateau quand il traversait le fleuve. 楚 pays de Chu 有…者 Cette construction permet de mettre en valeur la narration et d’indiquer une personne ( Fan Keh-Li) ; ici on désigne 楚人 une personne du pays de Chu qui 涉江 traverse la rivière : 楚人有涉江者 涉 traverser (voir article sur 涉) 江 fleuve 自 de 坠 tomber 於水,於/于 est la préposition de lieu, elle n’est pas obligatoire et est omise dans certains cas. Plus bas avec 入水 ( entrer/tomber dans l’eau), 於 n’est pas utilisé).
遽契其舟,曰 jù qì qí zhōu, yuē Tout de suite, il fit une marque sur son bateau et dit : 遽 : tout de suite 契 : graver
是吾剑之所從坠 Shì wú jiàn zhī suǒ cóng zhuì. C’est ici que mon épée est tombée. 吾剑 : mon épée 從坠 : 從 de + tomber. 所 a une valeur de substantif ici. Littéralement 所從坠 = de l’endroit tombé
舟止,从其所契者入水求之 Zhōu zhǐ, cóng qí suǒ qì zhě rùshuǐ qiú zhī Le bateau s’arrêta, il pénétra dans l’eau pour chercher l’épée là où il avait fait l’encoche. 所契, même construction que la partie précédente. Cette fois, 者 est ajouté et vient renforcer l’emploi de 所 pour insister sur l’endroit où il avait fait l’encoche. 求之, 之 pronom pour 剑 épée
舟已行矣,而剑不行 zhōu yǐ xíng yǐ, ér jiàn bùxíng, Le bateau avait déjà avancé, mais l’épée n’avait pas bougé. 已, déjà 矣, équivalent de 了 moderne, changement d’état : le bateau n’était plus arrêté, il avait avancé. Pour plus de clarté, il est indispensable de rendre les deux 行 avec une traduction différente ; le premier indique le mouvement du bateau, par contraste bouger va mieux dans la seconde partie.
求剑若此,不亦惑乎?qiú jiàn ruò cǐ, bù yì huò hū? Chercher l’épée de cette façon, n’est-ce pas stupide ? 若 ressembler à 此 ceci 不亦…乎 ? N’est-ce pas ? 惑, erreur, confusion, voir la signification dans les Entretiens de Confucius ici.
刻舟求剑 est devenue une expression à quatre caractères, un chengyu 成语 signifiant qu’une action est devenue vaine avec le changement de circonstances.
溫故而知新,可以為師矣 wēn gù’ér zhī xīn, kěyǐ wéi shī yǐ Simplifié : 温故而知新,可以为师矣 温 :温习, réviser 故 : 已经过去的, passé , ancien 温故, littéralement réchauffer l’ancien. 温故而知新 : Plusieurs explications de ce texte : 1. Réviser, revoir ses propres connaissances et en tirer de nouvelles connaissances. 2. Revoir, réétudier le passé, l’histoire, les classiques et acquérir de nouvelles connaissances. 3. Au fil de l’expérience, on acquiert de nouvelles connaissances. 4. En observant l’histoire, on peut anticiper l’avenir. 溫故知新 (sans le 而) est devenu un chengyu.
為, être, devenir. A gardé ce sens en chinois moderne. 師 : maître, professeur 矣, particule finale ; ici, elle indique une assertion. Levi : Seul il peut enseigner celui-là qui, ressassant l’ancien, est capable de susciter du nouveau. Couvreur : Celui qui repasse dans son esprit ce qu’il sait déjà, et par ce moyen acquiert de nouvelles connaissances¹, pourra bientôt enseigner les autres. Note de la traduction de Couvreur : Littéralement. « En réchauffant l’ancien [tout comme on réchauffe un mets], on perçoit le nouveau. » De répétitions en réinterprétations des textes anciens, se dégagent un sens nouveau, actuel, et une application pratique (MBC).
Certains clichés voient un Confucius conservateur, une Chine immobile et conservatrice. Cette volonté de renouveler ses connaissances, d’apprendre fait écho à cette soif d’apprendre qu’a connue la Chine ces dernières décennies. Cette ouverture transparaissait très bien également dans le comportement de la population, qui n’avait pas cette prétention occidentale. Comme le disait un diplomate chinois parlant du succès économique des trente dernières années, la Chine a été un super élève. Attention, tout évolue en Chine…
Le caractère compact de la langue classique permet des séquences de phrase avec des verbes qui obéissent à une coordination bien rythmée. Ils peuvent rendre des oppositions ou au contraire des actions parallèles, ou encore successives. Souvent, le premier verbe semble être une condition à la réalisation de la seconde. Nous avions déjà abordé ce type de phrase simple ici.
Le laboureur et le lapin
Regardons un célèbre passage du légiste Han Feizi (IIIè siècle av. J.-C.):
宋 : pays de Song dans la province du Henan 河南 actuel, voisin du pays de Zheng 郑, où se passe l’action du premier texte de Zuo Zhuan, voir carte :
耕 :labourer 株 : souche, tronc 觸 : heurter 折 : casser. Le verbe a gardé cette signification ( et bien d’autres), on le retrouve dans fracture ( de cheville par exemple), 骨折。 頸 : cou 因 : par conséquent, donc. On retrouve 因 souvent avec un verbe pour « enchaîner » sur l’action. En langue moderne, le sens du caractère est différent, il signifie parce que, on le retrouve dans 因为. 釋 : relâcher . Le verbe n’a pas de sujet. Il ne peut être le lapin de la proposition précédente. On comprend aisément que le sujet est le laboureur du début du texte. 耒 : charrue 冀 : espérer 復 : de nouveau 得 : obtenir 身 : a le sens de corps, mais également celui de personne. 為 : ici, a une fonction passive ;而身為宋國笑 signifie littéralement Et -lui- par-le pays de Song-moquer. 兔走,觸株折頸而死, cette séquence fonctionne bien avec trois verbes 走, courir, 折, briser et 死, mourir. Les deux derniers sont coordonnés par 而. Ici, on voit que la première action briser est la condition pour la réalisation de la seconde, mourir.
Traduction : Un laboureur de l’État de Song avait une souche d’arbre dans son champ. Un lapin en courant heurta la souche, se brisa le cou et mourut. Par conséquent, le fermier délaissa sa charrue et surveilla la souche, dans l’espoir d’obtenir un lapin. Mais il ne retrouva pas de nouveau lapin, et il fut la risée des habitants du pays de Song. En chinois moderne : 宋國有一位農夫,他的農田中有一棵樹。一隻兔子奔跑過來,撞 在樹幹上,折斷了頸項而死。農夫因此放下他的農具,守候在樹幹旁, 希望能夠再撿到撞死了的兔子。但他再也撿不到兔子,自己也被宋國 人民譏笑。 Certaines traductions chinoises parlent d’un laboureur et d’une charrue et d’autres d’un paysan et de ses outils.
Attendre paresseusement une occasion sans prendre aucune initiative
Dès l’école élémentaire, les élèves étudient cette histoire, elle a donné lieu à un chengyu en quatre caractères : 守株待兔 qui a les sens propres et figurés suivants : surveiller une souche en attendant les lapins; attendre que les alouettes tombent toutes rôties dans la bouche; attendre paresseusement une occasion sans prendre aucune initiative.
Traditionnels et simplifiés
* Je mets les caractères traditionnels car les textes sont écrits avec ces caractères. D’ailleurs, les professeurs de Chine populaire n’utilisent pas les simplifiés dans leurs cours ou manuels et enjoignent leur étudiant à apprendre à les reconnaître. Ici nous avons trois simplifiés différents des traditionnels :
Suite de la dernière scène visitée ici, Mincheng explique l’emploi de son argent, son origine et conclut par un proverbe.
这是可要说明白啊 zhè shì kě yào shuō míngbái a Ça il faut que ce se soit clair. 说明白 expression formée du verbe parler et comprendre/clair. On avait déjà vu l’expression ici.
你要是说不清 nǐ yàoshi shuō bu qīng Si tu n’es pas clair,
这个钱我也不敢拿 zhège qián wǒ yě bù gǎn n cet argent, je n’ose pas le prendre
别别别 都别紧张 别紧张 Ne, ne, ne, ne t’énerve pas, ne t’énerve pas ! 紧张, jǐn zhāng, a de nombreux sens, ici, c’est un mélange de stress, nervosité, perte de calme. 紧张, jǐn zhāng : manquer, tendu, acharné, intense, excité, nerveux, stressé
我没抢银行 wǒ méi qiǎng yínháng Je n’ai pas pillé une banque 抢, qiǎn, piller
这钱是丽丽给我的 shì lì lì gěi wǒ de C’est Lili qui m’a donné cet argent
丽丽说,当时我们买房, 首付是爸妈交的 lì lì shuō dāngshí wǒmen mǎifáng shǒufù shì bà mā jiāo de Lili a dit que lorsque nous avons acheté l’appartement, l’acompte, c’est papa et maman qui l’ont payé. 首付 , shǒu fù, acompte, premier versement. 交 jiāo, acquitter, donner 爸妈 Papa Maman
现在把房子卖了, 也理应分给爸妈 xiànzài bǎ fángzi màile yě lǐyīng fèn gěi bà mā Maintenant que l’appartement est vendu, on devrait donner une partie à Papa et Maman 理应, lǐ yīng, devrait 分给 fēn gěi, distribuer
既然这样, 那你给舅舅的钱我能拿 jìrán zhèyàng nà nǐ gěi jiùjiu de qián wǒ néng ná Puisque c’est comme ça, je peux prendre l’argent pour l’oncle 既然 jì rán puisque, étant donné que 舅舅, oncle maternel. Les liens de famille sont très précis dans le vocabulaire chinois. Pour oncle paternel, on fait la différence entre frère plus âgé et plus jeune que le père. C’est une autre histoire.
其他的钱我不要 qítā de qián wǒ bùyào Le reste, je n’en veux pas
你投资失败了 工作也没了 nǐ tóuzī shībàile gōngzuò yě méile Tu as perdu ton investissement/ton investissement a échoué, tu n’as plus de travail 投资 tóu zī, investissement, investir 失败 shī bài, perdre (être battu), échouer, rater
用钱的地方多了去了 yòng qián de dìfāng duōle qùle Tu as besoin d’argent un peu partout (on doit s’écarter de la traduction littérale pour rendre la phrase chinoise)
不是,不是,不是大哥 bùshì bùshì bùshì dàgē Non, non, non grand frère
塞翁失马 焉知非福 sàiwēngshīmǎ yān zhī fēi fú Les mauvaises choses peuvent en devenir de bonnes Voir l’article sur ce proverbe ici. Mingcheng aime ce proverbe, il l’a utilisé deux fois au moins dans cette série
如果舅舅不去公司闹 rúguǒ jiùjiu bù qù nào Si l’oncle n’était pas venu faire du tapage, 闹 nào, faire du bruit, faire du tapage
我现在还不找不着这么好的工作 wǒ xiànzài hái bù zhǎo bùzháo zhème hǎo de gōngzuò je n’aurais pas encore trouvé un aussi bon travail
Les expressions à quatre caractères sont très efficaces en chinois. En quelques mots, le sens prend toute sa dimension. Elles viennent de la langue classique et plongent parfois dans l’histoire. La semaine dernière, je discutais avec une banque et un agent sur un groupe We Chat de diverses formalités administratives à effectuer par correspondance avec la Chine. Les règlements sont stricts, il faut fournir une masse de papiers officiels et les documents demandés varient selon les villes et provinces. Après un marathon sinueux de démarches, nous avons pu réunir ce qu’il faut et comprendre les diverses contradictions entre les organismes. La banquière a conclu la conversation avec quatre caractères et des smileys :
好事多磨 hǎo shì duō mó, « Le chemin du bonheur est semé d’embûches» ou alors « La victoire ne vient pas toute seule ! » ou encore « Les bonnes choses prennent du temps ! ». Signification des quatre caractères / 好, bon 事, choses, affaires 多, beaucoup 磨, frotter, aiguiser.
Articles sur la langue chinoise et sur les proverbes : Langue et histoire