Le caractère 出 chū est un caractère très fréquent de nos jours, il a de multiples sens : sortir, dépasser,délivrer,produire,paraître,surgir. L’une des premières graphies ( à droite dans l’illustration) semblait montrer un pied qui sortait d’un trou :
La plupart de ces sens existait déjà dès les premiers siècles de l’histoire connue de l’écriture chinoise, sous les Shang et au début des Zhou occidentaux. J’ai croisé plusieurs exemples cette semaine. Regardons-les!
Sortir
已巳卜亘貞翌庚午王出 Craquelure du jour yisi, divination de Huan, au prochain jour gengwu le roi sortira ? (Heji 5063)
S’acquitter, payer
母敢不其出帛 Ne pas devoir se permettre de ne pas s’acquitter du tribut en soie! (兮甲盤, époque Zhou occidentaux)
Expulser
已丑貞令出羌 勿禍?Craquelure du jour yichen : Ordre est donné d’expulser les Qiang, il n’y aura pas de malheur? (Lecture verticale de droite à gauche sur l’illustration (Heji 6602).
Fournir
Craquelure : Faut-il ordonner aux chefs des branches cadettes du clan Huang de fournir un bœuf pour un sacrifice à l’adresse de Huang Yin ? 貞 乎黃多子出牛侑于黃尹 (Heji 3255)
Apparaître
王占曰有求八日庚戌有各雲自東冒母昃亦有出虹自北飲河 Le roi pronostiquant proclama : Il y a un esprit malfaisant. Huit jours plus tard (après la divination), le jour 47 gengxu, des nuages venus de l’est, obscurcirent tout le ciel. Dans l’après-midi apparut aussi un arc-en-ciel, en provenance du nord, s’abreuvant dans le fleuve.
Les multiples variantes des graphies jusqu’aux Han obligent souvent à faire le point. Celle du caractère 得 dé est relativement sage.
得 et les Jiaguwen 甲骨文
Sur les inscriptions oraculaires des Shang, trois grands types se dégagent : L’une montre une main qui obtient un cauris (1 sur l’illustration ci-dessous). La main se trouve en haut ou en bas de la composition et à gauche ou à droite du cauris. Une seconde (2) affiche le redoublement de la première figure, parfois inversée. Deux mains tiennent chacun un cauris. Une dernière (3) voit l’arrivée de la clé de la marche 彳 sur un côté.
Sur bronze Shang
Les écritures sur bronze des Shang garderont les variantes 1 et 3 des inscriptions précédentes, avec une majorité pour la graphie 3 :
Sur bronze des Zhou occidentaux
Quant aux graphies sur bronze des Zhou occidentaux, une partie a gardé la structure des Shang. Une autre variante montrait un cauris avec une forme différente et une main qu’on reconnaît moins :
得 compensation
Sur l’inscription vue dans la semaine avec 罰, l’écriture de 得 contient la marche à gauche, à droite en haut le cauris et en bas la main. Sous les Shang, 得 avait la signification d’obtenir. Sous les Zhou occidentaux, l’extension de sens mena à obtenir une compensation, racheter une peine (金文詁林, graphie 220).
A noter que 得 était également un nom de personne aux deux époques.
De nos jours
Le caractère a, apparemment, trouvé sa forme moderne sous les Han. Le cauris s’est éclipsé au profit de 旦 et la main a laissé la place à 寸 :得. De nos jours, 得 dé signifie acquérir, obtenir et en complément de manière, il permet d’exprimer un résultat ou une possibilité. Prononcé děi, il veut dire avoir besoin, nécessiter, devoir.
Une belle rencontre d’une graphie du caractère 罰 (simplifié 罚) m’oblige à pencher sur ses composants. Elle se trouve sur une inscription du début de la période des Zhou Occidentaux, entre le Xe et VIIIe siècle avant notre ère, selon les estimations.
Filet, langue et couteau
L’écriture de 罚 a vu le jour sous les Zhou Occidentaux : . A gauche, la partie supérieure contient un filet, en bas la parole et à droite le couteau. La structure fonctionne en rébus et donne l’idée de punition et sanction. Avec le filet, on « attrape » , la parole émet la sanction et le couteau l’évoque.
Amende en métal
Dans l’inscription de ce vase 師旂鼎, la graphie apparaît à deux reprises, côte à côte sur deux colonnes différentes, voir ci-dessous.
Le vase relate l’affaire du capitaine Qi. Ses troupes ont refusé de suivre le roi en campagne. Bo Mao Fu, le représentant du roi lui a infligé une amende 罚 à payer en métal, qu’il n’a pu régler (voir “A source book of ancient chinese bronze inscriptions” de Constance A. Cook & Paul R. Goldin, The Society for the Study of Early China, Berkeley, 2020).
罚 aujourd’hui
罰/罚 a conservé le même sens à notre époque et est présent dans de nombreux binômes, 罚款 fá kuǎn amende / infliger une amende, 罚单 fá dān avis d’infractions, 罚酒 fá jiǔ boire après avoir perdu un pari, 处罚 chǔ fá punir, châtier, 惩罚 chéng fá châtiment.
Plongé dans les inscriptions sur bronze de l’époque Shang, je tente de ne pas confondre les divers types de support aux écritures. Afin d’éclaircir le paysage, je prends des notes. Je commence par les récipients et ustensiles pour les aliments ( 食器), avec une classification de Yan Zhibin (1) et l’aide des descriptions du Grand Ricci.
鼎
鼎 dǐng vase rond à trois pied ou rectangulaire (方鼎) quatre pieds :
簋
簋 guǐ vase rond à deux anses, soit sur une base circulaire (à gauche), soit sur une base cubique (à droite)
甗
甗 yǎn vase tripode à deux niveaux, l’étage supérieur sert à cuire à la vapeur et l’inférieur à bouillir les aliments
鬲
鬲 lì vase circulaire avec trois pied. On peut les confondre avec les 鼎. Certains ont des spécificités avec des talons de pieds pointus (錐足跟) et un col étroit comme le vase 耳鬲 ci-dessous.
豆
豆 dòu, vase rond et profond, a la forme d’un bol monté sur un pied rond élevé, avec un couvercle. Seulement cinq 豆 de l’époque Shang comprennent des inscriptions.
Les États voisins des Shang sont mentionnés sur les inscriptions de l’époque, tells les 方 , les 土方 tǔ fāng et les 羌方 qiāng fāng, principalement dans la première période des écritures. 方alors a de nombreuses significations, dont territoire. Un autre peuple, les 夷 , a suscité des expéditions militaires. Cet ennemi des Shang correspond aux 東夷, 淮夷 et 南夷 des documents des Zhou Occidentaux et Orientaux. Il se trouvait dans la région du Sud-Est du Shandong, aux confins du Jiangsu, du Henan et de l’Anhui. Avant le début des campagnes militaires, le roi Shang procédait à des sacrifices afin d’obtenir l’assistance et la bénédiction du « souverain du ciel 上帝 », des ancêtres et des esprits.
人 ou 夷
La graphie pour cette tribu reste ambigüe car elle est proche de celle de l’homme :
Les commentaires ont varié, elle était rapprochée de 人 rén ou bien de 夷 yí . C’est pourquoi, les ouvrages écrit ces cents dernières années parleront des Ren ou bien des Yi. Des paléographes modernes, tels Wang Kunpeng ou Li Xueqin préfèrent dans la plupart des cas 夷. Les écritures, note Wang, évoquent un homme étendu ou accroupi. Elles ont été rattachées au caractère moderne 尸 shī.
La flèche arrive
Il faudra attendre la fin des Zhou Occidentaux pour voir arriver la flèche avec une corde qui l’enserre. Voir l’illustration (le cercle vert) sur le bronze 南宮橑鼎 :
Nous rencontrons souvent 皇 , avec le sens d’empereur. Dans les textes anciens, le caractère signifie également auguste. Regardons ses graphies.
La torche
Sur les inscriptions oraculaires, elles rappellent certaines écritures de 子 ( voir les articles sur 子 ici). Les écritures Shang évoquent une torche avec une flamme :
Avec le roi
Les premières écritures des Zhou Occidentaux voient arriver au-dessous le roi 王 wáng, qui vient préciser le son et certainement apporter une connotation sémantique. La torche ressemble au soleil :
Plus tard, la graphie de 王 sera plus claire ; par exemple, sous les Printemps et Automne :. Le soleil 日commence à s’installer.
Augustes
Regardons une partie de l’inscription sur bronze du 番生蓋 des Zhou occidentaux :
皇祖 (且) est un binôme courant qui désigne l’Auguste grand-père défunt. Ici, il est suivi de 考 père défunt. Le tout 皇祖考 désigne les Auguste grand-père et père. Nous retrouvons 不顯 illustre (vu hier).
Le caractère 御 yù et ses graphies anciennes ont de nombreux sens. Il est temps de faire un point.
Un homme agenouillé devant une tablette (ancestrale). L’écriture est liée aux sacrifices sous les Shang. Elle a la signification d’exorciser, de repousser (l’ennemi).
Un homme avec une cravache. Sous les Zhou occidentaux, elle acquiert le sens de conduire l’attelage d’une voiture. Elle désigna plus tard l’un des six arts, la conduite des chars 御. Les autres arts : les rites 礼/禮, la musique, 乐/樂, le tir à l’arc 射, l’écriture idéographique 书/書 et les mathématiques 數.
Un homme avec une cravache en direction d’un carrefour : . Le sens de mener et exécuter les affaires publiques est né.
Sur le vase Da Yu Ding du précédent article, 御事 signifie diriger les affaires.
Le Da Yu Ding 大盂鼎 est un vase qui commémore l’investiture d’un ministre du nom de Yu. Nommé au poste de Superviseur militaire 司戎 par le roi Kang des Zhou occidentaux en 981 avant notre ère, Yu fit fabriquer ce vase. Il a été exhumé dans le village de Li, district de Qi Shan dans la province du Shaanxi 陝西 en 1849. Il a les dimensions suivantes : 101,9 cm en hauteur, 77,8 de diamètre et un poids de 153,5 kg. Il compte 291 graphies sur 19 lignes.
Nous allons lire le début en s’arrêtant sur certaines graphies.
隹 zhuī Les graphies montrent un oiseau ( à queue courte ?). Sous les Shang comme sous les Zhou, son écriture, est en revanche rarement utilisée avec le sens d’oiseau. Par emprunt, elle est devenue un terme grammatical. Sur les inscriptions sur bronze en tête du texte, elle permet notamment d’introduire des indications sur le temps. Ici, nous avons : 隹九月 zhuī jiǔ yuè Au neuvième mois
宗周
宗周 Zongzhou. Nom de lieu qui se trouve à l’ouest de la Xian actuelle.
De 令 à 命
令 lìng, ici équivaut à 命,nommer à une charge. Pour l’étymologie des deux graphies, voir l’article.
Approbation
Sur les Jiaguwen des Shang une personne agenouillée avec les cheveux ébouriffés, qui semble être soumise. Les graphies sur bronze montraient de nombreuses variantes :
1 Période fin Shang 2 Printemps et Automne 3 : Fin Royaumes Combattants Sans numéro : Zhou Occidentaux
La graphie correspond à 若 ruò. Sur les inscriptions oraculaires, elle signifiait approuver pour un esprit ou un ancêtre. Sous les Zhou occidentaux elle se retrouve souvent dans la formule de ce bronze « 王曰若, Ainsi parle le roi ».
Très illustre
不 équivaut à 丕 pī grand, illustre
顯 xiǎn Illustre. L’expression 不(丕) 顯 Très illustre, revient souvent
Hériter
嗣 sì La graphie est formée de tablettes enfilées servant à écrire , de la bouche et , abréviation de 司 qui donne le son. Le premier sens est lire à haute voix un ordre de l’empereur. Sous les Shang, l’écriture avait la signification de registre rituel qu’on présente aux ancêtres, sous les Zhou également de continuer la tâche d’un ancêtre. Ici, 嗣 signifie hériter.
Pays 邦
邦 bāng Pays La graphie des Zhou occidentaux montre à droite une personne agenouillée. Une variante comprend au-dessus de l’homme un cercle qui donne la graphie de 邑, cité.
A gauche, se tient 丰 qui donne le son. Elle diffère de l’écriture de la période Shang, qui contenait un champ 田 avec du millet planté :.
Éliminer
Deux portes avec deux mains dessous. 闢 pì éliminer
Son
厥 jué son, sa, ses
Cacher, pervers
匿: 匚 fāng coffre, d’où l’idée de cacher. L’autre partie donne le son. Ici, a le sens de gens pervers.
Tenir
匍 pú Tenir en main les quatre territoires
Organiser, réformer
Graphie composé d’un champ à gauche et d’un homme agenouillé à droite. Premier sens : fonctionnaire chargé de l’administration des champs. Correspond à 畯.
正 Gouverner correctement. 畯正 jùn zhèng organiser et réformer la vie du peuple
L’oeil et la population
民 mín population. L’étymologie est discutée. Les principales explications : 1. Un œil dans lequel est enfoncé un objet pointu. L’acte correspond à une punition infligée aux esclaves ( point de vue marxiste ?!).2. Un œil sur le chiffre dix d’où l’idée de multitude et de foule. 3. A la place du dix, l’écriture avait deux jambes, et-dessus l’œil.
Traduction du texte :
Traduction : Au neuvième mois, le roi se trouvait à Zong Zhou. Yu a reçu l’investiture suivante : ” Ainsi parle le roi : Yu, le glorieux Roi Wen a reçu le grand mandat du ciel et son assistance. Le roi Wu l’a conservé ; il a hérité du roi Wen et a établi le pays. Il a chassé les mauvaises personnes, pris sous sa protection les pays des quatre directions et gouverner correctement le peuple…”