Le non-dit n’abonde pas seulement dans le quotidien chinois ou dans la vie politique, mais aussi dans le domaine économique. En effet, les analyses économiques publiques évitent souvent certains sujets. Le pouvoir s’investit beaucoup dans le maintien de la stabilité 维稳. Les règles non définies restent néanmoins claires, éviter tout ce qui pourrait susciter le désordre et donc trop d’informations qui montrent les grandes difficultés.
Quels sont ces sujets oubliés ?
Le chômage
Les chiffres officiels du chômage correspondent à l’emploi dans les villes et seulement dans les villes. Il est de 5,7%. Déjà, il est difficile aujourd’hui de croire à ce taux, rien que dans les villes. Pour les campagnes, pas de données. Et quand un spécialiste s’égare à donner ses estimations, son article ne reste pas en ligne longtemps, surtout quand elles dépassent les 20%. Par ailleurs, aucune étude sérieuse sur la difficulté à trouver un emploi pour un diplômé ne voit le jour. Le retour des paysans dans leurs campagne, faute d’avoir un travail en ville, est ignoré. Si la croissance baisse, on estime que c’est une bombe à retardement.
Les inégalités
La question des inégalités jouit d’un meilleur traitement. On en parle mais pas trop et quand une étude dérange, elle disparaît surtout si elle rappelle qu’elles sont plus fortes qu’aux Etats-Unis et proches de pays africains très corrompus. Une étude sur le patrimoine moyen dans les villes réalisée par la Banque centrale n’est pas restée longtemps sur le site. Trop de ménages ne se reconnaissaient pas dans des patrimoines moyens de 317 000 yuans (460 000 USD), quasiment le triple dans la capitale avec près de 9 millions par foyer. Des sites Internet l’avaient déjà reprise et elle circulait ( voir un article sur le sujet ici).
Beaucoup d’interrogations
La liste serait longue de sujets évités ou légèrement traités, tels les problèmes structurels, la protection sociale, les retraites dans les campagnes, la mainmise du gouvernement sur les grands groupes privés clés, les faillites suite à l’épidémie. Je me suis toujours demandé quel crédit il faut apporter à ces études économiques étrangères sur la Chine, comme celles du FMI. Avec le manque de données et l’incertitude sur d’autres, comment peut-on tirer des conclusions sur l’état de santé économique et prévoir des taux de croissance à la virgule près ?
Sujets obligatoires
Il existe le non-dit mais aussi « le dit obligatoire ». Parfois, une petite introduction d’allégeance au parti ou au pouvoir est obligatoire et elle permet de se protéger. Par exemple, dans leur étude évoquée hier, les deux économistes proches des hautes sphères se sont fendus dès le premier paragraphe d’une belle ouverture : « Le premier trimestre a été marqué par une forte baisse. Sous la ferme direction du Comité central du Parti communiste chinois et grâce aux efforts conjoints de toute la nation, la Chine a obtenu des résultats stratégiques significatifs en matière de prévention et de contrôle de l’épidémies et, sur cette base, elle a fait progresser la prévention et le contrôle des épidémies ainsi que le développement économique et social, en introduisant des mesures complètes, opportunes et vigoureuses. 一季度出现大幅度下滑。在党中央的坚强领导下,在全国人民的共同努力下,中国疫情防控取得重大战略成果,在此基础上统筹推进疫情防控和经济社会发展,及时出台力度较大的对冲政策 .»
Le domaine économique n’est pas le seul à devoir montrer sa fidélité. Même les artistes doivent pointer. L’actrice du dernier Mulan, Liu Yifei 刘亦菲, avait clamé son soutien à la police de Hong Kong fin août. Pourquoi l’a-t-elle fait ? Les autorités ont demandé à cette actrice sino-américaine de le faire ou alors c’est une bonne publicité auprès du public chinois ?
Il faut avoir une certaine humilité quand on s’exprime sur la Chine, car beaucoup d’informations échappent et, même en passant par divers canaux, on ne peut jamais être sûr.
Articles connexes :
Quel est le taux de chômage en Chine?
Qu’est-ce qui se passe en Chine?
10 septembre 2020