La vie en rose
Parler de la Chine, notamment de sa santé économique et de son système politique peut parfois relever de la plaisanterie quand on ne veut pas se regarder dans une glace. Observer ce pays quand on l’habite ou quand on est à l’extérieur donnent évidemment des visions différentes. Cependant, il faut éviter d’être dupe des divers conditionnements. En Chine, le dynamisme de l’économie, de sa population, et son optimisme – bien entretenu par des médias officiels harmonieux – peuvent nous faire entrer dans une bulle. Quand on a des intérêts, financiers, familiaux, économiques ou autre, on est encore plus exposé au risque de se transformer en perroquet conscient ou inconscient de l’Agence Chine nouvelle avec un fanatisme qu’apprécient les franges les plus nationalistes et qui fait rire les autres.
Noir de noir
D’un autre côté, hors de Chine, où on relève plutôt les trains qui ne sont pas à l’heure, loin de la belle vitrine, il est facile de tomber dans un autre biais. Avec le noir qu’on aime broyer dans les pays occidentaux, on voit vite une Chine en chute libre depuis des décennies. Ce genre d’événement arrive également à des Chinois qui semblent découvrir leur pays en écoutant des médias chinois basés à l’étranger. L’un me répétait qu’il faut aller à New York pour savoir ce qui se passer dans les coulisses du gouvernement chinois.
Par-dessus, vous ajoutez une crème de grille de lecture idéologique, de gauche ou de droite et la comédie intellectuelle peut battre son plein ou plutôt c’est l’enterrement du discernement. Je ne veux donner de leçon à personne car on peut tous passer par ces états, moi le premier, et osciller de l’un à l’autre. C’est pourquoi sur ce site, je rapporte des voix des divers camps. Aujourd’hui, j’évoque l’émission de Wang Jian sur la santé économique chinoise. Ce journaliste économique, après avoir travaillé en Chine et à Hong Kong, vit désormais aux Etats-Unis où il peut s’exprimer plus ouvertement et sa chanson ne vient pas de Pékin. Voyons d’abord les chiffres officiels sortis en fin de semaine dernière.
La consommation chinoise au premier semestre : -5,9%
Le Bureau national de statistiques a publié les chiffres sur la consommation au premier semestre. Ils s’élèvent à 9 718 yuans par personne et accuse une baisse de 5,9% (9,3% en enlevant le facteur prix). Les citadins ont dépensé en moyenne 12 485 yuans (- 8%, -11,2% corrigés) et les habitants des zones rurales 6209 yuans (-1,6%, -6%).
Deux catégories de produits affichent une hausse, l’une aliments-alcool, tabac avec + 5% et l’autre habitation + 3,1%. L’habillement recule de 16,4%, les articles ménagers de 6,4%, la télécommunication de 10,7%, l’éducation et les loisirs 35,7%, les dépenses de bien-être et médicales de 9,9%.
Consommation, dépenses par catégorie, et proportion dans la consommation globale sur le 1er semestre 2020 :
Les bénéfices des entreprises : – 12,8%
Les bénéfices des entreprises ont baissé de 12,8 % au premier trimestre, 28,5% pour celles du public, 13,7% pour les sociétés par action, les sociétés étrangère ( y compris celles à capitaux de Hong et Macao) de 8,8% et les entreprises privées de 8,4%.
Juin : amélioration
Le mois de juin présente de meilleures perspectives.
1. Les ventes des grandes entreprises industrielles sur juin se sont redressées. La valeur industrielle après un frémissement à +0,4% en mai, affiche une hausse de 4,8% en juin.2. Après la chute du début d’année 2020, l’indice des prix à la production (PPI) se redresse, voir illustration. 3. Les prix de revient, grâce, en partie, au recul du baril de pétrole, sont moins élevés. Sur 100 yuans, la baisse des coûts équivaut à 0,22 yuans.
Indice des prix à la production (PPI) :
Pas de rebond?
Wang Jian, journaliste économique, ne croit pas à la reprise économique chinoise, comme l’indiqueraient les données du mois de juin. La consommation est faible et les marchés étrangers ne permettent pas au secteur de l’export de se relever. Comment peut-on avoir une économie qui repart ? Il n’a pas confiance dans une partie des chiffres officiels. Par exemple, ces dernières années, les douanes ont commencé en 2018 à utiliser la monnaie chinoise et non le dollar pour indiquer les montant du commerce extérieur. Il est plus difficile de faire les recoupements avec les données d’autres pays en raison de l’effet de change qui peut être influencé dans le sens qu’on veut bien lui donner. Il observe d’autres données qui sont peu regardées et qui ne passent pas par l’ « harmonisation », comme par exemple les chiffres sur les transports. Le premier semestre 2020 a un volume qui représente seulement 45,2% du volume de 2019 et le mois de juin qui verrait une reprise enregistre un volume de 68,8% de juin 2019 à l’intérieur des villes et 56,3% entre les villes. Le journaliste trouve qu’il est beaucoup trop tôt de parler de reprise. Beaucoup de secteurs avaient atteint un sommet dans les années 2016-2017 avant de baisser, la crise sanitaire n’a qu’aggravé une économie qui a besoin de réformes structurelles.
Le catastrophisme sans catastrophe
Le catastrophisme économique et financier sur la Chine existe depuis plus de trente ans et aucune collision n’est arrivée. Que les chiffres officiels soient orientés pour une belle esthétique, je le crois. Pour cela, doit-on penser que la situation est aussi mauvaise que certains milieux le disent ? Non, ce n’est pas mon avis. Nul pays n’est parfait. La Chine est multiple. On a une Chine des villes et de la façade est, avec certains secteurs – le numérique- en forme. Les plans de relance chinois sont présents. D’un autre côté, on a une Chine à la traîne avec ces 600 millions de personnes et leurs 1000 yuans ( 140 $) de revenu moyen par mois. L’économie chinoise repart? Certainement! A petits pas? Il y a de fortes chances!
Sources:
Bureau national des statistiques
Bureau des statistiques 2
Emission de Wang Jian
28 juillet 2020