Il est reconnu que la société chinoise est plus orientée vers la collectivité alors qu’en Occident en général on donne plus d’importance à l’individu. Le Japon et la Corée, où le confucianisme a exercé une influence indéniable, présentent la même situation. Tenter de comprendre un pays demande de revenir aux sources qui ont donné des influences importantes à toute la culture et la civilisation. Leur compréhension permet d’éviter les incompréhensions et les dérapages, non seulement dans la vie quotidienne, mais dans de nombreux domaines, même économiques et politiques. La Grèce antique constitue un moule important pour la formation de la culture occidentale ; dans le même temps, la Chine, prenait une toute autre direction. Richard E. Nisbett, dans “The Geography of Thought, How Asians and Westeners Think Differently… and Why”, résume bien leurs differences. Regardons comment il décrit les approches grecques et chinoises.
Grèce
Grèce
1. Capacité à agir personnellement sur le monde. Les Grecs avaient une conscience claire qu’ils étaient responsables de leur propres vies et libres des choix qu’ils faisaient. Une des définitions du bonheur tenait dans la capacité à poursuivre l’excellence en se débarrassant des contraintes extérieures. Ils avaient un sens fort de l’identité individuelle accompagnée d’un sens de la capacité à agir personnellement sur le monde et de l’influencer.
2. Les Grecs se considéraient comme des individus avec des attributs et des buts différents.
3. Le débat. Ce sens de la capacité à agir doit être relié à la tradition du débat. Dans sa définition de l’homme, Homère incluait la capacité à débattre. Le débat était très prisé à cette époque.
4. Curiosité. La curiosité est un trait important. Aristote pensait quelle est la nature de l’homme. Les Grecs ont spéculé sur la nature du monde tout en créant des modèles. Ils ont, autour de ces modèles, composé des lois en établissant des catégories pour les objets et les événements avec une précision qui permettait des descriptions et explications systématiques. D’autres civilisations anciennes ont procédé à des observations systématiques dans le domaine scientifique ; toutefois, seuls les Grecs ont tenté d’expliquer leurs observations à partir de principes sous-jacents.
Chine
1. Harmonie. Du côté chinois, le point dominant n’était pas la capacité à agir personnellement sur le monde mais l’harmonie, derrière les idées de collectivité, de respect et d’obligations mutuelles.
2. Collectivité. Chaque Chinois était avant tout membre d’une collectivité ou plusieurs collectivités, clan, village, et surtout famille. L’individu n’était pas une unité autonome qui gardait son identité, il s’intégrait dans une société et des relation sociales; son schéma unique et son rôle peuvent changer et devenir différent. Les Chinois étaient plus concentrés sur le contrôle de soi que sur le contrôle de l’environnement. L’idéal du bonheur n’était pas une vie de liberté avec l’exercice de ses talents, mais la satisfaction d’une vie partagée avec un réseau social harmonieux. Les vases et gobelets grecs sont illustrées de bacchanales, d’athlètes, de batailles alors que les porcelaines chinoises montrent les activités familiales et les plaisirs ruraux.
3. Tandis que les Grecs pour des occasions spéciales se réunissaient et participaient à des jeux ou des lectures de poésie, les Chinois se rendaient visite avec la pratique du 串门 chuàn mén (rendre visite) pour montrer du respect. Les premiers qui rendaient visite étaient mieux considérés que ceux qui venaient plus tard.
4. Obligations mutuelles. Le système moral, hérité du confucianisme, mettait l’emphase sur les obligations entre l’empereur et ses sujets, parents et enfants, mari et femme, aîné et cadet, amis dans un système hiérarchisé. La société permettait à l’individu de se sentir une partie de la société, où les obligations mutuelles servaient de guide de la conduite.
D’un côté, grec, individualité, débat et action sur le monde extérieur dominent, de l’autre bord, chinois, harmonie, collectivité, entretien des liens sociaux et obligations mutuelles. Dans la vie de tous les jours, des scènes nous font immanquablement penser à ces spécificités. Un enfant chinois, lors de la Fête de printemps n’entendra certainement pas le même discours que son cousin en Europe à Noël ; une partie des membres de la famille viendra lui rappeler qu’il faut étudier sérieusement à l’école. On peut avoir l’impression que les aînés agissent par devoir. Chaque fois, que je voyageais avec des collègues chinois, lors d’attentes dans les aéroports, j’étais surpris que si l’un avait soif, il n’allait pas chercher une bouteille pour lui-même mais il prenait plusieurs bouteilles pour tout le monde. Un directeur marketing m’expliquait avec un brin d’humour « Tu vois, pour nous la vie n’est pas un repos, il faut toujours penser aux autres en Chine ! ».
6 juillet 2020
la chine c’est aussi le tao, cela met à mal cet excellent article
Cet article modeste et ce site en général ont seulement la prétention d’ouvrir des portes et des pistes de réflexion. En tout cas, pas l’ambition d’expliquer la Chine, qui n’est pas faite d’un bloc mais qui est le résultat de multiples influences. On peut ajouter aussi le Yiking, les légistes, le bouddhisme et bien d’autres choses au Tao. J’aurais peut-être dû le préciser, mais j’ai déjà dit tellement fois que la Chine ne peut être résumée avec de grandes généralités.
Merci pour votre commentaire.
L’opposition Chine (collectif) / Occident (individualisme) est plus une représentation stéréotypée plus qu’une réalité. Des exemples pris ça et là dans l’actualité ne peuvent en aucun cas étayer une théorie sérieuses sur ces faits sociologiques. J’invite l’auteur à se pencher sur les formes d’organisation traditionnelle dans la société française, comme les maisons du Sud-Ouest, il verra comment l’individu est, également, fortement soumis à une structure collective. À l’opposé, on pourrait opposer en Asie une propension à l’individualisme et à la distanciation relative avec les structures collectives. Bref, un article pas inintéréssant mais il faut se donner les moyens d’apporter des éléments de réflexions moins stéréotypés et avoir une vision plus dynamique des choses. Il est également vrai qu’on peut difficilement traiter sérieusement un tel sujet en une page web.
Le but de cet article n’est pas de faire une étude sociologique, mais de montrer quelles sont les grandes idées qui ont influencé la Chine et l’Occident. Bien entendu, on peut toujours trouver des cas (sans parler d’exceptions) qui vont dans le sens contraire. Je connais bien l’Asie et je pourrais citer des exemples qui ne vont pas dans le sens de la collectivité, mais elle ne font pas lois générales; je pourrais dire la même chose en France avec l’individualisme. Par ailleurs, je n’évoque pas une opposition, remarquez les termes que j’emploie au début de l’article, “Il est reconnu que la société chinoise est plus orientée vers la collectivité alors qu’en Occident en général on donne plus d’importance à l’individu”.
De plus, cet article a pour vocation seulement d’ouvrir des pistes de réflexion et non de faire des constations péremptoires. Et comme vous le dites, en une page, on ne peut faire le tour de la question. J’ouvre des portes.
Merci pour votre commentaire, ça me permet de mieux comprendre la réception de mon message et des améliorations à apporter dans la clarté.
Xavier/Forbidden City
Au sujet des commentaires sur ce post, je voudrais souligner un biais cognitif de plus en plus fréquent, sans doute appris en regardant les débats TV dans lequel une personne décrit la forêt et les autres lui tombent dessus en disant qu’il a oublié l’arbre, ou vice-versa.
Il y a beaucoup de choses sur cette planète qui sont distribuées suivant des courbes en cloche : la majorité des phénomènes se produit dans la partie centrale de la courbe, comme la taille des humains par exemple. Mais si une personne dit que la moyenne des êtres humains mesure, disons un mètre soixante sept, vous pouvez être sûrs que quelqu’un va tout de suite lui reprocher de ne pas avoir parlé des joueurs de basket, et s’il le fait on lui reprochera d’avoir oublié les compagnons de Blanche-Neige.
C’est un des grands dangers lorsque l’on parle de la Chine. Nous sommes mal équipés pour naviguer entre “la big picture” et les détails et nous avons une grande difficulté à ne pas chercher une faille dans ce que disent les autres alors même qu’ils nous ont averti des limites de leur descriptions. Il est regrettable que nous montrions plus souvent l’esprit de la critique que de l’esprit critique.
Bien vu la métaphore de la forêt.
Je suis ce site depuis le début, et il m’a appris justement à casser les préjugés et les stéréotypes sur la Chine.
Merci de donner toutes ces ouvertures d’esprit.